Soigner une maladie c’est bien, accompagner une personne malade vers la guérison c’est mieux !
Pour aider les patients dans toutes les dimensions de leur maladie, qu’elles soient médicales et non médicales, nous leur donnons la parole.
Lors de la première journée Hansen de l’hôpital Saint Louis, qui a eu lieu le 24 mai 2023, nous avons recueilli le parcours, le vécu et les interrogations de patients volontaires.
C’est grâce à leurs témoignages et leur aide précieuse que cette partie « Ma vie avec la lèpre » se construit. Elle leur est dédiée.
Les journées Hansen
Les journées Hansen de l’hôpital St Louis sont ouvertes aux patients et à leur entourage, qu’ils soient suivis à St Louis ou dans un autre centre.
L’objectif est de créer un espace d’échange libre et bienveillant, d’apprendre les uns des autres et d’établir un véritable réseau de soutien entre les patients.
Pendant 3 ans, ça picotait et ça tirait au niveau des pieds la nuit, ça m’empêchait de dormir. J’ai vu un docteur qui m’a dit qu’elle soupçonnait la lèpre, je n’y ai pas cru, et j’ai laissé tomber. Deux ans plus tard mon visage a enflé et les douleurs ont augmenté. Le diagnostic de lèpre a été confirmé : là c’était une catastrophe. Je ne pouvais pas l’entendre car cela voulait dire que j’allais perdre mes mains, être défiguré.”
“On m’a fait tout un tas d’examens mais on ne m’a rien expliqué, même en hospitalisation. C’est quand je suis arrivée à St Louis (consultation Hansen) qu’on m’a annoncé que j’avais la lèpre.”
“J’avais une tache claire et insensible sur la cuisse. Après l’échec d’une crème à la cortisone, mon médecin traitant m’a envoyé vers un dermatologue. Le dermatologue m’a fait une biopsie puis m’a dit d’aller à St Louis (consultation Hansen), c’est là qu’on m’a annoncé que j’avais la lèpre.”
Le délai entre les premiers symptômes et la première consultation est long, parfois plusieurs années.
La maladie de Hansen peut avoir des présentations très différentes et est très rare en Europe. Conséquence : elle est peu connue et rarement évoquée en première intention par les soignants. Néanmoins la biopsie de peau permet de confirmer le diagnostic.
Mieux informer les soignants, particulièrement ceux en contact avec les populations originaires de zones de forte endémie (Inde, Brésil, Indonésie, Afrique Sub-Saharienne, Asie du Sud Est) et mieux dépister l’entourage des personnes ayant la lèpre.
Je n’y ai pas cru quand on m’a dit que j’avais la lèpre.”
“Pour moi c’est une maladie très ancienne et qui se voit.”
L’annonce d’une maladie – que ce soit la lèpre, un cancer, un infarctus, le SIDA, ou toute autre maladie – conduit la personne concernée à différentes étapes psychologiques, comparables à celles du deuil.
Ces étapes sont :
À ces étapes viennent s’ajouter les préjugés et les images qui entourent la lèpre. L’image d’une personne amputée, aveugle, au visage déformé, faisant la mendicité dans des conditions précaires.
Comment comprendre que la maladie que l’on me dit avoir est bien la même ? Comment supporter que cette image puisse un jour être moi ?
Ce cliché du malade atteint de la lèpre n’existe qu’à un stade très avancé (plusieurs dizaines d’années) quand il n’y a pas eu de traitement justement par manque d’accès aux soins dans des populations très vulnérables.
Plus la prise en charge est précoce, moins la maladie évoluera vers des complications et séquelles stigmatisantes. Non, vous ne ressemblez pas à cette image parfois colportée de la lèpre. Bien que long et souvent pénible, un traitement régulier et un suivi prolongé, permettront d’éradiquer l’infection et de prévenir et soigner les complications immunologiques et les séquelles.
Je pense avoir été contaminé lorsque j’étais enfant et que je dormais sur une natte à même le sol sur de la terre battue. Le microbe a dormi en moi pendant au moins 20 ans. Puis un jour, quand toutes les conditions ont été réunies, le microbe est sorti.”
“Ma mère et le père de ma mère ont aussi eu la maladie.”
“Quand on m’a annoncé la maladie, je suis allée voir sur internet comment on l’attrape, les traitements et les précautions à prendre.”
La lèpre est une maladie complexe à décrypter, même pour les soignants.
Très détaillée dans la partie « comprendre », on peut schématiser la maladie comme cela :
La bactérie responsable de la lèpre infecte uniquement certaines personnes génétiquement prédisposées. La prédisposition est différente d’une maladie héréditaire : on ne nait pas avec la maladie. On nait avec un système immunitaire moins capable de se défendre contre cette bactérie. Alors on ne développera la maladie que si on rencontre la bactérie au cours de notre vie.
On ne sait pas très bien comment on se contamine avec la bactérie. On pense que cela peut arriver si on est contact avec de la terre ou des eaux salies par des animaux eux-mêmes porteurs de la bactérie, ou par voie respiratoire par contact prolongé avec une personne qui a la maladie et qui n’est pas traitée, souvent une personne vivant sous le même toit.
A savoir : dès la 2e prise du traitement, il n’y a plus de contagiosité.
Ainsi, des conditions de vie très précaires comme un habitat sans eau traitée ou à même la terre peuvent être en causes, mais ça n’est pas le principal mode de contamination donc cette maladie n’est pas forcément liée au manque d’hygiène.
Quand la bactérie de la lèpre contamine une personne prédisposée, elle va se développer dans le corps, essentiellement dans la peau et autour des nerfs.
Quand les défenses sont faibles mais pas complètement insuffisantes, la bactérie se développera peu : une zone de peau plus claire insensible et éventuellement un nerf peuvent être atteint de manière isolée. C’est ce qu’on appelle la lèpre tuberculoïde polaire.
Quand les défenses contre la bactérie sont totalement insuffisantes, elle va se développer en grande quantité, de manière diffuse dans la peau et les nerfs, et peut atteindre d’autres organes. Par exemple la muqueuse du nez. C’est ce qu’on appelle la lèpre lépromateuse.
Entre ces deux extrémités, il existe d’autres formes intermédiaires : borderline tuberculoïde, borderline borderline, borderline lépromateuse et indéterminée.
Quand le traitement antibiotique débute, ou parfois spontanément, les défenses immunitaires s’activent contre la bactérie. Si cette activation est trop puissante ou dure trop longtemps, la peau et les nerfs s’enflamment. La peau est gonflée voire s’abime, la main ou le pied n’a plus de force et fait très mal. C’est la réaction de réversion.
Dans les formes lépromateuses il y a aussi l’érythème noueux lépreux, une réaction avec des boules douloureuses sur les jambes et les bras, avec de la fatigue, parfois de la fièvre, des douleurs et des gonflements des articulations jusqu’à une altération rapide de l’état général.
Ne restez pas seul avec vos questions : préparez-les pour la consultation, faites-vous accompagner de quelqu’un de confiance pour traduire ou comprendre à deux. Renseignez-vous sur ce site qui vous est destiné. Nous sommes là pour vous soigner mais aussi pour vous informer. N’hésitez pas !
J’ai tout perdu. Ma femme m’a quitté emmenant mes deux filles par peur de la maladie qu’elle considérait comme contagieuse et maudite. Je me suis retrouvé en foyer. Le plus dur c’est de se retrouver seul. Cette solitude brise tout, elle me laisse sur un plateau duquel je ne peux plus bouger, comme si les autres pouvaient sentir la maladie en moi, comme si j’avais changé d’odeur. Il faut beaucoup de force pour surmonter cela et continuer les traitements.”
En parlant avec les malades, la solitude est la souffrance la plus partagée.
D’abord, en contexte d’immigration, certains malades sont isolés socialement. Ensuite, comment parler et expliquer à son entourage une maladie que beaucoup considèrent comme honteuse, sale voire appartenant au Moyen Âge ?
La rareté de la lèpre en France ne permet pas de faire des campagnes d’information à grande échelle. Au contraire, la représentation publique de cette maladie est celle des appels aux dons des associations de lutte contre la lèpre, avec des photos de formes très évoluées et sévères comme une personne amputée, aveugle, avec de multiples déformations.
Rien ne contribue à déstigmatiser la lèpre !
Pour éduquer et avoir le soutien de son entourage, il va falloir apprendre soi-même sur la maladie et arrêter de se juger. Non, cette maladie n’est pas liée à un manque d’hygiène ou un signe de mauvais présage. C’est l’association d’une prédisposition génétique et de la mauvaise rencontre avec la bactérie qui a provoqué cela !
Rencontrer d’autres patients atteints de la lèpre permet d’échanger et de parler de votre parcours et de votre quotidien avec la maladie. Vous pouvez venir avec votre famille, vos amis. Tout le monde sera rassuré et informé.
Le lamprène (clofazimine, ndlr) transforme le visage, vous devenez gris, avec les yeux rouges.”
“Le traitement me fatigue, je manque de sommeil, mais je le prends bien et je viens à mes rendez-vous car je vois que ça va de mieux en mieux.”
“Le traitement est fatiguant mais on n’a pas le choix, il faut suivre l’objectif de guérison et effectivement ça va mieux.”
“Je ne tolérais pas bien le traitement, plutôt que d’arrêter de moi-même j’en ai parlé aux médecins et on a espacé la prise de la rifampicine à 1 fois par mois. Il y a des solutions et il vaut mieux voir avec le médecin que de faire soit même.”
“J’avais une tâche au-dessus le l’œil qui s’avérait être la lèpre. J’ai consulté à St Louis et j’ai pris le traitement 2 ou 3 mois puis comme il n’y avait plus rien sur ma peau, j’ai arrêté. Rapidement ça a beaucoup gonflé. J’avais du mal à reconsulter à St Louis, j’étais énervé et je suis parti en Inde pour me faire soigner. Je suis resté 4 mois là-bas mais les traitements n’étaient pas adaptés et mon visage est resté très gonflé. Je suis finalement revenu et avec le bon traitement, tout s’améliore progressivement.”
La maladie et les traitements changent votre corps. Fatigue, peau plus foncée, plaques dépigmentées, difficultés à tenir les objets ou marcher, brulures et plaies etc.
Autant de symptômes qui peuvent rendre votre quotidien plus difficile pour les tâches de la vie quotidienne (cuisiner, faire la vaisselle…), le travail surtout s’il est manuel, et vos relations avec votre entourage si vous faites le choix de ne pas leur parler de la maladie.
Peau sèche induite par le traitement
La fatigue, les nausées, la peau qui devient plus sèche et plus foncée, sont liées au traitement. Il faut être patient, le traitement doit être pris jusqu’au bout. Après son arrêt (6 à 24 mois), votre état redeviendra progressivement normal.
Les plaies et brulures sont liées au manque de sensibilité : il va falloir apprendre à reconnaitre ce qui les provoque et comment les éviter.
Si l’exercice de votre métier devient difficile voire impossible, il faut envisager un reclassement professionnel. L’équipe médicale et l’assistante sociale peuvent monter avec vous un dossier MDPH, Maison Des Personnes Handicapées, vous ouvrant accès à des droits et de l’information adaptée, et parfois à l’AAH, Allocation Adulte Handicapé.
J’aurais préféré avoir un cancer de la peau, c’est une maladie qui inspire de l’empathie. Quand on parle de lèpre, ça inspire le rejet, la crainte.”
Dans toute maladie qui dure longtemps, l’entourage est un soutien précieux pour tenir. Ne pas leur confier qu’on est malade est un choix qui isole mais aussi parfois qui protège si on n’a pas les moyens de les rassurer. Quand il s’agit de la famille avec qui on partage le même toit, il est nécessaire que ses membres soient dépistés pour la lèpre, en étant examinés sur la peau et les nerfs par le médecin spécialiste.
le dialogue et la confiance sont une première étape pour parler à son entourage proche. Proposer à un ami proche ou un membre de votre famille de vous accompagner à la consultation peut permettre de le rassurer et l’impliquer. Les personnes qui vivent avec vous, surtout votre famille, devraient être examinées au moins une fois en consultation experte.
La guérison de l’infection par la bactérie de la lèpre est obtenue en général après 6 à 24 mois de traitement par antibiotiques, que l’on appelle la polychimiothérapie antibacillaire, comprenant le clofazimine (Lamprene), la rifampicine (Rifadine) et la disulone (Dapsone). Parfois la disulone est remplacée par la clarithromycine (Zeclar).
Les réactions de réversion et l’érythème noueux lépreux sont des manifestations imprévisibles que l’on peut contrôler grâce à des traitements anti-inflammatoires. A distance de la guérison de l’infection, elles se font de plus en plus rares.
Les séquelles neurologiques (douleurs, manque de force ou de sensibilité) s’améliorent d’elles-mêmes très lentement avec le temps mais pas toujours complétement.
Bien prendre ses traitements antibiotiques dès le début et de façon régulière permet de mettre toutes les chances de son côté pour guérir de l’infection et limiter les complications qui resteront longtemps. Bien sûr, ces traitements peuvent avoir des effets indésirables et vous pouvez douter de leur efficacité car vos symptômes mettent du temps à s’améliorer. Dans ce cas, il ne faut pas arrêter : il faut vite en parler à votre médecin pour ajuster le traitement et comprendre ce que vous ressentez.