Réactions de type 1 et 2

Préambule

Les réactions sont la conséquence sur le corps de l’activation excessive des défenses immunitaires contre M. Leprae

La réaction de type 1

La réaction de type 1 correspond aux réactions de réversion : survenue soudaine d’une inflammation dans une ou plusieurs zones atteintes par M. Leprae, spontanément, en cours du traitement antibiotique (PCT), voire jusqu’à plusieurs années après la fin du traitement antibiotique (PCT). Ces phénomènes concernent en majorité la peau, les nerfs et parfois les yeux et surviennent le plus souvent dans les formes de lèpre borderline.

Les réactions de réversion sont la principale cause d’invalidité de la lèpre par l’atteinte des nerfs et des yeux.

Il est ainsi impératif pour le patient atteint de lèpre d’être informé de ces complications, d’avoir accès aux soignants sachant les reconnaitre et prendre la décision du traitement le plus adapté au patient. Il est démontré qu’une réaction de réversion neurologique, aussi appelée névrite, qui évolue depuis plus de 6 mois, a de très faibles chances de récupération malgré un traitement adapté [Richardus JH  et al, Lepr Rev. 2003].

La réaction de type 2

La réaction de type 2 correspond à l’érythème noueux lépreux : survenue brutale ou progressive et intermittente de nodules douloureux des membres, associés à de la fièvre, fatigue, douleurs articulaires voire une altération sévère de l’état général mais aussi une atteinte des nerfs.

Ces phénomènes concernent les patients atteints de lèpre multibacillaire selon la classification OMS, aussi classées lèpre lépromateuse et borderline lépromateuse selon la classification de Ridley et Jopling.

L’érythème noueux lépreux peut apparaitre et persister pendant plusieurs années après la guérison de l’infection à M. Leprae.

En 2020, l’OMS a rédigé un guide à destination des soignants pour la prise en charge des réactions de type 1 et 2, accessible en libre accès

Nous présentons ici les recommandations de l’OMS qui sont établies sur la base des médicaments disponibles dans les zones d’endémie de la lèpre.

Nous présentons aussi les traitements utilisés dans notre service qui doivent faire l’objet d’avis d’expert avant leur introduction.

Traitement des réactions de type 1

Réaction de réversion cutanée

Légère à modérée

Clinique

Zone de peau préalablement atteinte devenant rouge, gonflée voire douloureuse

Traitement recommandé par l’OMS 

Paracétamol

Anti-inflammatoires non stéroïdiens type ibuprofène ou acide salicylique

Émollients

Traitement proposé
par la consultation Hansen 

Dermocorticoïdes forts (bétaméthasone 0.05 à 0.10 %)

Dermocorticoïdes très forts (Clobétasol proprionate 0.05%) 

Tacrolimus topique 0.1%

Sévère

Clinique

Ulcération et/ou nécrose cutanée, œdème intense, fièvre, douleur

Topographie du haut du visage car souvent compliquée d’une lagophtalmie

Ou échec du traitement de la forme légère à modérée

Traitement recommandé par l’OMS 

Corticothérapie générale orale (prednisolone) à débuter entre 0.5 et 1 mg/kg/jour pour une durée de 20 semaines.

La dose de 0.5 mg/kg/j est privilégiée en première intention.

Traitement proposé
par la consultation Hansen 

Idem

Réaction de réversion neurologique, la névrite

Légère à sévère

Clinique

Déficit moteur ou sensitif d’intensité faible à totale, associés ou non à une douleur neuropathique du territoire concerné

Les atteintes les plus fréquentes sont :

  • la lagophtalmie, paralysie de fermeture d’un œil
  • l’atteinte du nerf ulnaire et/ou radial, difficulté ou impossibilité de tenir un objet ou de se servir de sa main, risque de plaie par insensibilité
  • l’atteinte du nerf sciatique poplité externe, difficulté ou impossibilité de relever le pied qui tombe à la marche, risque de plaie par insensibilité

Traitement recommandé par l’OMS 

Corticothérapie générale orale (prednisolone) à débuter entre 0.5 et 1 mg/kg/jour pour une durée de 20 semaines. La dose de 0.5 mg/kg/j est privilégiée en première intention.

Mesures associées :

Pendant la phase initiale douloureuse : repos du membre atteint, attelle nocturne

Chirurgie de décompression neurologique

Pendant la phase de récupération : mobilisations passives pour prévenir les attitudes vicieuses et flessum irréductibles ; exercices de motricité actifs pour récupérer la force motrice

En cas d’échec, la ciclosporine ou l’azathioprine peuvent être discutées

Traitement parfois proposé par la consultation Hansen 

Méthotrexate 0,3 mg/kg hebdomadaire, injectable sous cutané ou per os [Jaume L, Hau E, Monsel G, Mahé A, Bertolotti A, Petit A, Le B, Chauveau M, Duhamel E, Maisonobe T, Bagot M, Bouaziz JD, Mougari F, Cambau E, Jachiet M; Groupe d’infectiologie en dermatologie et des infections sexuellement transmissibles (GrIDIST). Methotrexate as a corticosteroid-sparing agent in leprosy reactions: A French multicenter retrospective study. PLoS Negl Trop Dis. 2023 Apr 20;17(4):e0011238]

Lorsqu’une névrite est sévère par le déficit moteur et/ou la douleur qu’elle entraine, une chirurgie dite de décompression du nerf peut se discuter au cas par cas. Cette intervention est faite par un chirurgien spécialisé (orthopédiste, neurochirurgien ou plasticien).

Lors d’une névrite aigüe, les tissus qui entourent le nerf sont épaissis par l’inflammation, ce qui se manifeste par ce qu’on appelle l’hypertrophie du nerf. Sur le parcours du nerf depuis la moelle épinière jusqu’aux mains et pieds, il y a des passages dans des canaux osseux inextensibles (au coude, au poignet, au genou). C’est dans ces canaux que les gaines inflammées du nerf le compriment, risquant de l’abimer définitivement.

Ainsi, si les traitements luttant contre l’inflammation ne permettent pas de récupérer rapidement la fonction du nerf, particulièrement la motricité, le chirurgien incise les tissus inflammés au niveaux des canaux osseux pour libérer le nerf.

Traitement des réactions de type 2

Erythème noueux lépreux

La classification en érythème noueux lépreux (ENL) léger ou sévère peut se faire selon des scores compilant les critères cliniques suivants, disponibles ici en annexe 1.

ENL léger

Clinique

Nodules sous cutanés sensibles des membres > tronc

Traitement recommandé par l’OMS 

Antalgiques (paracétamol, aspirine, ibuprofene, diclofénac, indométacine, tramadol)

Traitement proposé
par la consultation Hansen 

Idem +/- colchicine ; bas de compression veineuse ; repos

ENL sévère

Clinique

Association de plusieurs des éléments cliniques suivants nodules douloureux et ulcérés, fièvre, œdèmes périphériques, arthrites, douleurs osseuses, adénopathies, douleurs sur les trajets nerveux

Ou échec des traitements d’un ENL initialement classé comme léger

Traitement recommandé par l’OMS 

Corticothérapie générale orale (prednisolone) à débuter entre 0.5 mg/kg/jour.

La durée n’est pas codifiée

Traitement proposé
par la consultation Hansen 

Idem

ENL récurrent ou chronique

La corticodépendance est fréquente et nécessite souvent une augmentation des doses et une durée très prolongée de corticothérapie générale, avec toutes les complications associées : infections, diabète, hypertension artérielle, amyotrophie, ostéoporose, etc.

En alternative à la corticothérapie générale ou à visée d’épargne, l’OMS propose 

Thalidomide

Clofazimine

Plutôt que les anti-inflammatoires non stéroïdiens et la pentoxifylline

Traitements parfois proposés par la consultation Hansen 

Méthotrexate injectable

Aprémilast

Anti-TNF alpha (infliximab intra-veineux, certolizumab pegol chez les femmes en âge de procréer)

Bilan pré-corticothérapie générale chez le patient atteint de lèpre recommandé par l’OMS :

  • Bilan sanguin standard (NFS, ionogramme, urée, créatininémie, bilan hépatique complet)
  • Sérologie VIH
  • Bilan pour éliminer une tuberculose associée : BK-crachats et radiographie de thorax
  • Dépistage du diabète : glycémie à jeun, recherche de glycosurie, test de tolérance au glucose
  • Examen des selles bactériologique et parasitologique
  • Dépistage d’autres infections selon orientation clinique (hémocultures, prélèvements locaux)

Nous recommandons d’ajouter à ce bilan les sérologies hépatite B, hépatite C, éventuellement syphilis, un électrocardiogramme, une mesure de la tension artérielle.

Et de systématiquement administrer AVANT le début de la corticothérapie une prophylaxie de réactivation d’anguillulose par ivermectine 200 µg/kg en une prise unique, sans manger pendant les 2h suivantes.